Interview de notre présidente dans le magazine Nexus n°152, propos recueillis par Elsa Richard, psychologue
L.R. : Comment en êtes-vous venue à vous pencher sur les dérives de l’« éducation sexuelle » ?
VDAR : Il y a eu une concordance de circonstances, notamment l’apparition en début d’année 2023 de cas d’enfants traumatisés à la suite de séances d’« éducation à la sexualité », qui m’ont été présentés par des parents et associations.
J’ai rencontré le Dr Ariane Bilheran lors des séances de la CoPo/Grand Jury(1) en 2022 dans lesquelles elle est intervenue. J’ai découvert par la suite que le Dr Bilheran était également pionnière depuis 2017 sur le sujet de l’« éducation à la sexualité » en tant que psychologue pour enfant. À l’époque, ses conclusions ont d’ailleurs été rejetées par nombre de ses pairs, qui se ravisent aujourd’hui. C’est donc tout naturellement que nous avons échangé à ce titre pendant que je rédigeais mon rapport, sujet trop vaste pour que je me contente d’une simple lettre à adresser aux parents.
Le Dr Bilheran et Mme Lafargue, également psychologue de l’enfant, ont organisé un colloque le 13 mai 2023(2) avec d’autres professionnels et c’est à ce moment-là que j’ai pu faire part de mes premières conclusions.
LR : Vous évoquez l’atteinte au corpus juridique de cette « éducation sexuelle ». Quelles sont les effractions commises d’un point de vue du droit, en lien avec les responsabilités de chacun, dans le cadre de ces programmes imposés ?
VDAR : C’est effectivement tout l’objet de mon livre. J’indique aux familles d’enfants, qui auraient malheureusement subi des traumatismes à la suite de cours d’« éducation à la sexualité », que chaque dossier doit être traité suivant le cas d’espèce. Néanmoins, je rappellerai ici que la sexualité est considérée, par le droit international contraignant, comme étant protégée par le droit à la vie privée et familiale.
Qu’aucune convention internationale n’ordonne aux États de rendre obligatoire l’« éducation à la sexualité » au sein des établissements scolaires et dans tous les lieux de vie sociale de l’enfant.
En revanche, ces cours ne se conforment pas au devoir des États de respecter l’autorité parentale au sens de la Convention internationale des droits de l’enfant.
En effet, il est interdit aux États membres du Conseil de l’Europe, dans leur mission d’éducation scolaire, d’endoctriner les enfants, de porter atteinte à leur équilibre et d’exalter leur sexualité, d’autant plus lorsque ces agissements se font au mépris des convictions philosophiques et religieuses des détenteurs de l’autorité parentale, au sens de l’article 2 du protocole additionnel n°1 de la CEDH (Convention européenne des droits de l’homme).
Concernant l’enfant victime, les auteurs d’infraction sont susceptibles de faire l’objet de plaintes pour plusieurs chefs d’accusation en droit interne, notamment : corruption de mineur, atteinte à la moralité de mineur, complicité de violences, harcèlement sexuel, détention et diffusion d’images pornographiques représentant un mineur, etc. Les auteurs peuvent également faire l’objet de plaintes ordinales si le code de déontologie n’a pas été respecté.
Les cours d’« éducation à la sexualité » permettent de promouvoir la théorie du genre. Il est à noter qu’en ce qui concerne la délivrance par les médecins de traitements hormonaux aux effets irréversibles ou la pratique d’actes chirurgicaux de changement de genre, qui sont mutilants et donc irréversibles, alors que les parents ne sont pas suffisamment informés et que les enfants ne sont pas en âge de donner leur consentement ni de comprendre quelles en sont les réelles conséquences, la responsabilité des médecins et des parents pourra être recherchée.
À ce titre, j’ai pu consigner dans mon livre certains témoignages de personnes, qui ont regretté leur transition ou qui ont souffert des effets des traitements et des opérations, ainsi que les observations de gynécologues et autres experts ayant traité du sujet. Il est notamment question de mauvais traitements, d’atteinte à l’intégrité de la personne, de traitements cruels, inhumains et dégradants, sans compter la qualification de charlatanisme liée au caractère expérimental et illusoire desdites opérations, alors que la victime aurait pu être prise en charge sur le plan psychologique.
Cela ne concerne pas, bien entendu, les mineurs atteints de dysphorie de genre, qui représentent environ 180 cas chaque année et qui sont pris en charge par des équipes spécialisées. Une proposition de loi sénatoriale réclame l’interdiction des traitements de transition de genre et des mutilations sur mineurs. Dans le même sens, le Royaume-Uni et la Suède ont décidé de faire de même étant donné les scandales sanitaires.
Il ne s’agit pas là de porter un quelconque jugement sur les personnes mais bien uniquement d’analyser les causes potentielles de préjudices et les voies de droit ouvertes aux victimes. Au-delà, il faudrait tout de même s’interroger sur ce qui s’apparente à un plan de stérilisation et d’expériences médicales, ce qui renvoie à la qualification de crime contre l’humanité (cf. publications de Raphael Lemkin (3)).
Il est très important de retenir que les rapports et standards de l’OMS ainsi que les déclarations des associations activistes n’ont aucune valeur juridique.
LR : Vous êtes aussi présidente de l’Organisation nationale éthique santé et transparence (ONEST) aux côtés du Dr Ariane Bilheran, normalienne, psychologue clinicienne, docteur en psychopathologie et philosophe, du Dr Laurence Kayser, médecin spécialiste en gynécologie obstétrique et chirurgienne et du docteur en droit et maître de conférences Katja Sontag.
Votre manifeste(4) pour le respect de l’intégrité physique et psychique des enfants a recueilli à ce jour plus de 30 000 signatures. Quelles sont les revendications de l’ONEST en réponse au déploiement de cette « éducation sexuelle » dans les lieux de socialisation de l’enfant ?
VDAR : Notre collège de professionnels de la santé mentale et du droit en appelle au respect de la dignité, et de l’intégrité psychique et physique des enfants, au respect de leur enfance et de leur innocence. Nous demandons l’abolition de toute référence à une « sexualité » des enfants, dénonçons les conséquences psycho- logiques, somatiques, biologiques et émotionnelles de ces cours sur les enfants, dénonçons la non-scientificité des textes de l’OMS et lobbies affiliés en la matière, réclamons l’application du corpus juridique de protection des mineurs, dont celui de la CIDE (Convention internationale des droits de l’enfant) affirmant les droits et devoirs des parents dans l’éducation des enfants. Nous soutenons une protection de l’enfant dans tous les domaines et une consolidation de son bien‑être.
LR : Dans votre livre Protéger les mineurs de l’idéologie totalitaire – « Éducation sexuelle » et changement de mœurs, vous donnez des clés de compréhension et des moyens de défense face aux dérives des lobbies. Que conseillez-vous aux familles pour protéger les enfants dans le cadre de cette « éducation sexuelle » à l’école ?
VDAR : Lors des discussions au Parle- ment concernant l’article L312-16 du Code de l’éducation, issu de la loi relative à l’IVG et à la contraception no 2001 – 588 du 4 juillet 2001, certains députés ont clairement mis en avant le fait qu’il était nécessaire d’écarter les parents du sujet de la sexualité de leur enfant, pour des raisons de liberté sexuelle, en supprimant l’autorité parentale (art. 371 du Code civil). Or, l’essentiel est plutôt d’apprendre aux enfants qu’il faut protéger leur intimité. La suite doit rester dans la sphère étanche des adultes. L’enfant n’a ni la force psychologique ni la force physique de s’opposer à un adulte. C’est à la justice de devenir dissuasive en matière de pédocriminalité afin que les adultes respectent l’enfant.
Puis, je conseille aux parents de s’informer réellement sur les problématiques de transition de genre qui font l’objet d’une propagande extrêmement importante et mortifère sur les réseaux sociaux. La provocation et l’incitation à commettre une atteinte à l’intégrité d’une personne constituent une infraction prévue par l’article 24 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Elles sont donc prohibées, ce qui concerne les activistes en la matière.
Lorsqu’il est question de tolérance et de non-discrimination en matière de religions, il n’est pas pour autant nécessaire d’enseigner telle ou telle religion à l’école. Pourquoi faudrait-il, sous prétexte de lutter contre les discriminations en matière d’orientation sexuelle, répandre crûment des informations d’ordre sexuel auprès des enfants ? Par ailleurs, une problématique majeure est celle des écrans à bannir jusqu’à un âge où l’adolescent est capable de comprendre que certains appareils sont des outils parfois utiles, mais qu’ils ne sont pas le prolongement d’eux-mêmes. Il est question de transhumanisme, lorsqu’une technologie vient prendre le contrôle de l’esprit d’un enfant, induire chez lui un mal‑être, modifier son com- portement jusqu’à l’impérieux besoin de se mutiler. L’enjeu est civilisationnel.
L’Éducation nationale ne peut, quant à elle, imposer des cours d’« éducation à la sexualité » sous prétexte que les enfants sont les victimes des écrans, tout en prônant leur utilisation. Des générations de personnes ont vécu leur enfance sans l’utilisation du numérique, elles savent néanmoins s’en servir.
LR : Concrètement, comment un parent peut-il s’opposer aux cours d’éducation à la sexualité ?
Une annexe à la fiche médicale peut être transmise en début d’année à l’établissement scolaire et la lettre d’information mise à disposition par l’ONEST peut être envoyée. Il est important d’instaurer le dialogue avec les enseignants. Parmi les solutions pratiques d’urgence, les enfants pourraient garder dans leur sac un document signé par les parents, qui les autoriserait à sortir de la classe lors des cours d’« éducation à la sexualité », document du même type que celui requis pour une simple sortie. Des élèves ont été empêchés de sortir de la salle, ont été humiliés lorsqu’ils n’ont pas voulu participer à des séances collectives.
Il est important qu’en dehors d’une expertise psychologique post-traumatique, les parents puissent poursuivre en justice sans que l’enfant soit accusé de mensonge. Nous avons de nombreux cas de tentatives de subornation de témoins dans ces dossiers. Il faut se regrouper et échanger avec d’autres parents puisque, en présence de plusieurs témoignages, il est plus aisé de démontrer la commission de l’infraction. Il est indispensable de se renseigner auprès de l’établissement scolaire afin de demander régulièrement le programme et les jours au cours des- quels ces enseignements seront dispensés.
Pour les parents d’enfants au collège, il leur est possible d’intégrer les CESCE (Comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté) afin de prendre part aux discussions.
Lorsque, malheureusement, l’infraction a été commise, les parents pourront envisager de déposer, en fonction de l’intervenant, une plainte ordinale, une plainte pénale ou toute autre procédure proposée par leur avocat.
LR : De leur côté, comment les enseignants, directeurs d’établissement ou autres professionnels sollicités (rappelons que cette éducation sexuelle se veut multidisciplinaire) qui s’opposent à l’application de ces programmes peuvent-ils agir ?
VDAR : Je rappellerai simplement que les institutions scolaires doivent être protégées contre toute forme de propagande politique (circulaire Jean Zay de 1936), qu’un ordre est manifestement illégal lorsqu’il engendre la commission d’une infraction prévue par le Code pénal et qu’il enfreint les traités et conventions. Or, lorsqu’on explique dans les détails ce qu’est l’acte sexuel, les différentes positions, le plaisir, la masturbation, que l’on montre des attributs sexuels d’adultes à des enfants, il s’agit de corruption de mineur et d’atteinte à la moralité des mineurs. Lorsque l’on demande aux enfants de limiter leur reproduction, de lutter pour les causes LGBTQ+, c’est clairement de l’endoctrinement, ce qui est contraire au principe de neutralité du service public et aux conventions.
Les cours d’éducation à la sexualité exigent de développer des compétences psychosociales, ce qui est de l’ordre de la psychologie cognitive de l’ingénierie sociale. Nous sommes hors du champ de l’instruction au sens propre. En ce qui concerne les intervenants externes, ils n’ont aucune légitimité malgré les agréments délivrés par l’État, ce sont majoritairement des activistes.
Lors des interventions de tiers, les enseignants n’ont aucune obligation de quitter leur classe, sous prétexte de préserver le secret médical. À partir du moment où les enfants sont entendus collectivement, le secret est rompu. J’appelle cela le phénomène de la « tache d’huile » : il y a un risque important de propagation des troubles psychiques dans l’hypothèse où l’un des enfants de la classe aura été l’objet d’une transgression, il prendra la parole en groupe et portera alors atteinte à son tour à l’équilibre mental des autres enfants. À la suite de ces cours, on assiste à une multiplication des viols et agressions sexuelles entre enfants.
Si l’objectif était réellement de protéger l’enfant, alors l’État aurait pris l’initiative d’organiser l’intervention périodique de psychologues de l’enfant ou de pédopsychiatres, afin de recevoir ceux qui en font la demande à titre individuel et en toute confidentialité. Ensuite, je rappellerai ici l’intention précise du législateur, lors de l’adoption du texte sur l’obligation des cours d’éducation à la sexualité à l’école : Mme Marie-Thérèse Boisseau, à l’initiative de cette mesure (Assemblée nationale – 1re séance du 30 novembre 2000) :
« Cette éducation n’est pas l’affaire des parents. Au risque de paraître brutale, je dirais qu’ils sont très maladroits et qu’ils ne sont sans doute pas les mieux placés en ce domaine, génération après génération. Elle n’est pas non plus l’affaire des professeurs. Elle est l’affaire des “intervenants extérieurs” spécialisés que nous mentionnons dans nos différents amendements : médecins, infirmières, conseillères familiales, membres du planning familial – il ne s’agit pas de n’importe qui. »
Il n’était donc pas dans l’intention du législateur de faire intervenir les enseignants.
Je terminerai par ces mots : la philosophie des Lumières a engendré la mise en œuvre de cette logique de mise en condition, de socialisation par modelage contraignant. « C’est toute (ou presque toute) la réflexion d’alors sur la pédagogie qui, par pure application de l’anthropologie en vogue, tend à tenir l’enfant pour passivité pure, objet de tous les maniements et modifications dont le théoricien se juge autorisé à faire programme et ruminer les processus. » En cela et c’est normal, la pédagogie des Lumières se doit d’ignorer le constat thomiste qu’« en toute discipline et tout enseignement, le maître ne fait qu’aider du dehors le principe d’activité immanente qui est dans le disciple »(5).
Lorsqu’une idée théorisée par le passé a des conséquences désastreuses sur plusieurs générations d’individus, il devient urgent de la remettre en cause. Ces séances d’éducation à la sexualité forcent des adultes à trahir la confiance des parents et à corrompre des enfants. C’est un viol collectif des consciences.
Notes
-
CoPo/Grand Jury : Cour populaire de l’Opinion Publique du Grand Jury du Dr Reiner Füllmich, février 2022, [https://dar-avocats.com/grand-jury/].
-
[https://www.infovaccin.fr/information/replay-du- colloque-du-13-mai-2023-la-derive-totalitaire-sur- les-enfants].
-
Rafaël Lemkin (1900 – 1959), juriste polonais d’origine juive, a forgé le mot « génocide », qui apparaît
pour la première fois dans son ouvrage Axis Rule
In Occupied Europe – Laws of Occupation, Analysis of Government, Carnegie Endowment for International Peace, Division of International Law, Washington, 1944. Réédition : Lawbook Exchange, 2005 . À lire également du même auteur : Qu’est-ce qu’un génocide ? Éditions du Rocher, 2008. Rafaël Lemkin a fait valoir le concept de génocide au tribunal de Nuremberg, puis auprès de l’ONU en 1948. -
[https://www.mesopinions.com/petition/enfants/ alerte-protegeons-enfants-respect-integrite- psychique/217299].
-
Martin Xavier, Nature humaine et Révolution française – Du siècle des Lumières au Code Napoléon, éditions Dominique Martin Morin, 1994, p. 80.
Pour lire l’intégralité du dossier Sexualisation des enfants, l’innocence sacrifiée, par Elsa Richard :